Le Retour vers le client

Vers un changement de paradigme ?

"Le Retour vers le client" par Guillaume Floquet

Edito de Guillaume Floquet, Numberly, lors de la 15e cérémonie des SCOPS à l'Université Paris Dauphine-PSL.

Et si plutôt qu’un “RETOUR VERS LE CLIENT” il s’agissait d’un “ALLER VERS LE CLIENT” ?

Autrement dit, est-ce que la crise sanitaire que nous venons de traverser et les enjeux futurs pour la planète (le réchauffement climatique ou les enjeux géopolitiques), auxquels nous sommes tous confrontés, nous poussent à changer de paradigme ou bien à revenir au paradigme d’avant crise ?

Il y a trois dimensions à un changement de paradigme :

  1. D’abord, c’est une façon de concevoir le monde autrement, de changer de point de vue, qui nécessite de lâcher prise sur notre conception du monde pour en imaginer une autre.
  2. Ensuite, on associe à cette nouvelle vision une identification du bien. Cela touche à notre éthique, à nos valeurs qui, d’un coup, évoluent.
  3. Enfin, on y associe des actions concrètes en se posant la question : comment doit-on s’y prendre pour aller dans ce sens ?

 

Le paradigme qui correspond à un “retour vers le client”,

  • C’est celui de la croissance par l’augmentation de la consommation et de la productivité au travail ;
  • C’est celui de la juste réponse du capitalisme à nos économies ;
  • C’est celui de la croyance que nos énergies sont inépuisables.

 

C’est un paradigme où nos clients reviennent à leurs points de repères d’avant crise :

  • Une incitation à la consommation du toujours neuf ;
  • Un encouragement à la modernisation incessante de leurs équipements (qu’il s’agisse de leur téléphone, de leur voiture, de leur matériel informatique ou même de leurs vêtements) ;
  • Une invitation à exister par le biais des marques ;
  • Un monde où l’efficacité du transport est mesuré par le temps qui sépare deux endroits de la planète et qui en réduit la distance entre eux ;
  • Un monde enfin où le digital peut être synonyme d’abondance.

 

Le paradigme vers lequel d’autres semblent se diriger,

  • C’est celui du profitable et responsable à la fois ;
  • C’est celui de la mesure et de la réduction des empreintes carbones, celui de la recherche des alternatives aux énergies carbonées ;
  • C’est celui qui conduit à s’interroger sur la réduction de notre consommation, de nos déplacements;
  • C’est celui qui révise nos équilibres de vie comme le travail à distance ou le besoin de qualité de liens avec les autres ou encore les habitudes alimentaires basculant de l’animal au végétal ;
  • C’est celui de la vertu des économies de partage, du réemploi des biens de consommation, des circuits courts.

C’est un paradigme où nos points de repères sont à découvrir et où digital doit rimer avec sobriété.

 

Alors je nous invite à nous interroger :

Si on représentait les paradigmes comme des vallées placées les unes à côté des autres et le monde une boule qui oscille au creux de ces vallées, je me demande si le monde ne se trouve pas aujourd’hui dans un entre-deux, pouvant revenir en arrière vers les repères d’avant ou prêt à basculer vers de nouveaux repères.

La question qui se pose alors à nous, c’est quelles valeurs souhaitons-nous porter pour nos clients ? Les marques ne doivent pas chercher à adapter leur message en fonction de ce que le client a envie d’entendre.

MAIS
Les marques doivent adapter ce qu’elles font, et ce qu’elles disent aux nouveaux enjeux de ce monde. Et si elles sont alignées avec ces enjeux et qu’elles font ce qu’elles disent et qu’elles disent ce qu’elles font, alors le client qui partage ces valeurs adhérera à la marque.

 

En fait, deux mondes se dessinent sans doute pour demain :

  • Les marques et les clients qui sont passés dans un nouveau paradigme et qui peuvent déjà vraiment se rencontrer, se comprendre, adhérer à ces valeurs ;
  • Et les marques qui restent dans le paradigme d’avant, avec leurs clients et les gens qui sont encore dans le déni ou qui n’ont pas encore pris conscience. Ceux-là peuvent toujours s’entendre et se comprendre. Mais jusqu’à quand ?

Car au fond, ce n’est peut-être pas le monde qui bascule d’un côté ou de l’autre mais le paysage qui avance comme un tapis roulant et nous y allons parfois malgré nous.