Le RCS est officiellement ouvert aux marques en France

Le RCS : tout le monde en parle, personne ne comprend, mais tout démarre vraiment maintenant

En 2017, Google a annoncé le lancement du RCS, un nouveau standard dans le domaine du messaging présenté comme le SMS 2.0. Cette annonce traduisait la volonté de Google de rendre l’écosystème Android compatible avec le RCS. La firme de Mountain View y a vu une opportunité de challenger le monde des messageries OTT largement dominé par Facebook (Messenger, WhatsApp, Instagram).

Contrairement aux apparences, Google n’est pas à l’origine du RCS. Les spécifications du Rich Communication Services sont le fruit des travaux de la GSMA, l’association mondiale des opérateurs mobiles. Ses membres ont voulu penser dès 2007 un standard adapté aux premiers smartphones et visant à enrichir leurs messageries restreintes aux SMS et MMS considérés performants mais limités.

 

 

Experience SMS/ Experience RCS

Une expérience utilisateur au plus proche de celle proposée par Messenger

Le RCS promet une expérience utilisateur au plus proche de celle proposée par Messenger… mais sans Messenger. La principale promesse du RCS est de venir enrichir la messagerie nativement embarquée sur le terminal, c’est-à-dire sans aucun téléchargement préalable, tout comme peut l’être iMessage sur iOS. Et la comparaison avec Messenger n’est pas un hasard tant il apparaît assez évident aujourd’hui que les travaux de la GSMA ont dû inspirer les équipes de Facebook ayant travaillé sur cette messagerie OTT en 2014. Ce n’est d’ailleurs peut-être pas un hasard non plus si Facebook lance au même moment une offensive sur le m-Commerce avec Facebook Shops, l’arrivée concrète du RCS pousse encore plus à l’innovation afin de trouver des modèles différenciants et favorables à la génération de revenus davantage axés sur la publicité que sur le messaging.

Le RCS se veut donc transparent pour les consommateurs. Et surtout, le RCS se présente comme une opportunité pour les marques. Sa richesse doit permettre d’améliorer considérablement l’expérience client actuellement proposée par SMS (voire MMS dans certains pays), un canal d’activation puissant mais malheureusement limité. Fonctionnellement le RCS propose :

  • Plus de sécurité pour la marque et ses clients grâce à l’authentification de l’émetteur du message ;
  • Plus de richesse dans les messages par la possibilité d’associer des textes longs à des images ou vidéos ;
  • Plus d’engagement par une expérience conversationnelle grâce à l’introduction de boutons cliquables et autres carrousels facilitant la navigation dans un arbre de décision ;
  • Plus de fonctionnalités sans avoir à sortir de la messagerie tels que l’appel de pages Internet (webviews), le partage de position par l’utilisateur (GPS), l’ajout d’événements à l’agenda du téléphone… et le parti pris de Google d’aller jusqu’à pouvoir proposer le paiement en un clic avec Android Pay…

Et toute cette palette de nouvelles fonctionnalités s’accompagne par un jeu complet de KPI indispensables à l’analyse des performances (accusé de réception, accusé de lecture, tracking des clics…).

La France fait désormais partie des pays les plus avancés sur le RCS

Le RCS ayant été spécifié dès 2007, il est légitime de se demander pourquoi il aura fallu attendre plus de dix longues années avant de lancer le RCS en grande pompe. D’autant que depuis l’annonce de Google, le RCS continue de se faire attendre, et que plusieurs opérateurs, y compris français, avaient déjà entrepris des initiatives isolées bien avant cette annonce… La réponse à ce constat est simple : le déploiement du RCS est complexe. Pour parvenir à décoller, le RCS doit parvenir à réunir trois conditions préalables majeures :

  • un OS compatible et c’est précisément ce à quoi s’est attelé Google à partir de 2017, à savoir faire en sorte que l’OS Android réputé pour sa fragmentation puisse supporter ce protocole de communication ;
  • Il faut une messagerie compatible, et même si Google met à disposition des équipementiers sa messagerie OTT Messages (aussi disponible sur Google Play), tous rajoutent une surcouche de services propriétaires à Android, et la messagerie préinstallée sur le smartphone fait partie des services stratégiques avec le navigateur ;
  • Enfin il faut un accès au réseau télécom avec un device provisionné RCS car le RCS repose sur le protocole IP est reste donc totalement à la main de l’opérateur en charge de la ligne de l’abonné. Bouygues Télécom, Orange et SFR y travaillent depuis plusieurs mois déjà.

Il résulte de cette complexité de très fortes hétérogénéités locales dans la propagation mondiale du RCS. Il n’est donc pas étonnant que le RCS ait ses détracteurs, considérant que jamais ce standard ne parviendra à dépasser tous ces freins. C’est là que Google joue un rôle moteur en assurant la promotion du RCS auprès des équipementiers (utilisant Android), des opérateurs (auxquels il propose aussi des solutions techniques facilitant son déploiement sur leurs réseaux), et des consommateurs (pouvant télécharger Messages sur Google Play).

La France fait désormais partie des pays les plus avancés sur le RCS. Google a initié un pré-lancement par le biais de son application Messages en 2019. Et après avoir initié un vaste programme de provisionning de leur abonnés, les principaux opérateurs français finalisent leurs offres à destination des agrégateurs : Bouygues Télécom et SFR entrent en phase de pilote, et Orange fera de même un peu plus tard cette année. Numberly prépare le lancement des premières campagnes test de ses clients.

Plus d’un quart des possesseurs de smartphones pourraient être compatibles RCS avant la fin de l’année

La France tend vers 10% de consommateurs activables par RCS et plus d’un quart des possesseurs de smartphones pourraient être compatibles RCS avant la fin de l’année. Samsung, principal équipementier de l’écosystème Android, prévoit un déploiement du RCS sur son parc français dans le courant de l’été. Et il est intéressant de souligner qu’en parallèle, l’application Messages de Google gagne en popularité sur Google Play.

Aujourd’hui, le marché dans son ensemble se pose beaucoup de questions telles que le coût du RCS ou les cas d’usage susceptibles d’être permis par le RCS. A date, le modèle économique n’est pas encore totalement arrêté et du fait qu’il dépende de la politique commerciale de chaque opérateur, une certaine hétérogénéité n’est pas exclue. Un consensus se dégage néanmoins : Le RCS favorisant les échanges conversationnels, une facturation à la session est attendue, et pour permettre l’envoi de messages d’information n’invitant pas à converser mais dont le format multimédia serait plus pertinent qu’un simple texte SMS, un tarif intermédiaire entre la conversation et le SMS sera probablement proposé. La question du tarif est un point sensible pour assurer le succès du RCS. En 2007, le MMS qui se voulait prometteur lui aussi n’avait pas réussi à s’imposer en France pour des raisons techniques mais aussi tarifaires car jugé trop cher par rapport au bénéfice apporté en comparaison du SMS. Preuve de toute cette complexité, le MMS est aujourd’hui encore très utilisé par les marques aux Etats-Unis alors qu’en France, elles ont dû se résoudre à s’en détourner depuis plusieurs années déjà.

Le RCS est à la fois un canal d’activation client et un canal ouvert aux usages applicatifs

En matière de cas d’usage, le marché devrait, pour des raisons de roadmap technique, d’abord se concentrer en 2020 sur des usages dits A2P (application-to-person) avant de s’ouvrir aux usages P2A (person-to-application). Autrement dit, dans un premier temps les marques vont pouvoir contacter via RCS leur clients optin mobile (et possesseurs d’un device sous Android) mais à terme, les clients pourront aussi contacter la marque via ce canal. Les deux modes présentent une vraie complémentarité sur le plan de l’intérêt marketing.

En A2P, les marques pourront par exemple :

  • Déclencher des campagnes tactiques plus impactantes grâce à une présentation plus détaillée et surtout interactive de leurs offres en drive-to-store, promouvoir des produits notamment en lancement, favoriser l’up-selling sur certains segments clients… ;
  • Renforcer leur CRM à des moments clés du parcours client par la mise en place de séquences de réassurance (onboarding nouveaux clients, post-achat, post-sinistre, etc.).

Et en P2A, les marques pourront aussi :

  • Mettre en place un nouveau point de contact client directement accessible depuis la messagerie (FAQ, gestion de compte client, prise de rendez-vous…) ;
  • Permettre des achats en 1 clic (réservation d’un ticket de transport, d’un billet de spectacle, d’une chambre d’hôtel, d’un nouveau produit en prévente…).

Le RCS est à la fois un canal d’activation client et un canal ouvert aux usages applicatifs : nombres des cas d’usages réservés jusqu’à présent aux seules applications mobiles sont déclinables dans la messagerie mobile grâce au RCS. Tout le travail pour les marques va consister à identifier ces cas d’usages essentiels à leur relation client ou à leur génération de revenus afin de les transposer via un arbre de décision conversationnel. Il est important de souligner que le conversationnel ne nécessite pas de recourir au NLU (compréhension du langage naturel), un arbre de décision construit sur une navigation au clic est tout aussi efficace sinon plus.

L’investissement des marques dans le RCS paraît d’autant plus important que pour beaucoup l’application a été un véritable casse-tête entre une stratégie d’acquisition coûteuse et une problématique de rétention insoluble. Quant aux initiatives en OTT, elles se sont aussi rapidement confrontées à des limites autour de la donnée de contact car récupérer le token d’un client pour l’activer en OTT peut être long et coûteux. Ces messageries sont à la base pensées pour le P2P (person-to-person) et non pas pour l’A2P. Le RCS est en ce sens différent. Il s’inscrit dans le prolongement du SMS A2P, dont il est complémentaire, en offrant une capacité d’activation à partir du numéro de mobile, tout en promettant une accessibilité sans téléchargement prérequis car natif à la messagerie du terminal. Pour toutes les marques dont le business n’est pas “App centric”, le RCS apparaît comme un game changer dans leur stratégie mobile. D’ailleurs Apple, réputé pro-applications, fait le choix pour le moment de rester à l’écart du RCS du fait de iMessage mais à terme une interopérabilité de ces standards pourrait faire sens pour les consommateurs. Pour les marques, toucher leurs clients Android constitue déjà un beau défi à relever et offre un beau potentiel quand on sait que l’OS de Google représente 76,5% du parc de smartphones France (et 86,6% dans le monde).

Le RCS s’inscrit parfaitement dans ce changement de paradigme marketing qu’est le Mobile First

Le RCS est un nouveau canal de messaging mobile après le SMS, la push notification, les wallet notifications, ou l’OTT (dont il faut dissocier chaque plateforme : Messenger, WhatsApp, Viber, etc.). Il va falloir apprendre à bien identifier, en fonction des profils de clients ou des objectifs fixés par la marque, quels sont les meilleurs canaux d’activation. Le RCS est riche et donc plus complexe à maîtriser que le SMS. Mais le RCS est d’autant plus intéressant que sa physionomie devrait permettre de combler un vide entre le SMS et les applications mobiles. Il constitue une très belle innovation en marketing mobile et il est dans l’intérêt de tous, éditeurs, équipementiers, opérateurs, prestataires, consommateurs, et marques, que son lancement soit un succès. Au printemps, Numberly contribuait au baromètre du marketing mobile de la MMA France : à la fin 2019, 65% des consommateurs ouvraient plus de 75% des leurs emails marketing sur leurs smartphones. Les comportements ont irrémédiablement changé et le RCS s’inscrit parfaitement dans ce changement de paradigme marketing qu’est le Mobile First.